samedi 24 novembre 2012

Petroplus intime

Dominique Sentis - entouré de l'éditeur Frédéric Seaux (à gauche) et d'Yvon Scornet, porte-parole de l'intersyndicale Petroplus - dévoile son regard sur une année de lutte dans « Debout ! » (ph. Jean-Marie Thuillier)


Dominique Sentis, salarié à la raffinerie Petroplus, a consigné une année de lutte salariale dans ses carnets. Il en a fait un livre original où le réalisme le dispute à l'humour.


Dominique Sentis connaît bien « Mémé ». Trente et un ans qu'il bosse à la raffinerie Petroplus de Petit-Couronne. Des histoires, il pourrait sûrement en raconter des dizaines. Surtout que son père et son grand-père sont passés par le raffinage couronnais avant lui. Mais plus qu'un passé révolu, c'est un épisode contemporain que l'ouvrier relate dans son livre Debout ! tout juste sorti. L'année qui vient de s'écouler, celle qui a conduit la raffinerie et ses 550 salariés au bord du gouffre.
Une année noire que Dominique Sentis aborde sans fard mais avec beaucoup d'humour. « Un mélange de Frédéric Dard, de Raymond Devos et de Michel Audiard », s'enthousiasme son éditeur Frédéric Seaux, installé à Oissel. Et c'est vrai qu'avec ses calembours mouillés d'acide, Dominique Sentis apporte de l'air là où d'autres auraient vite sombré dans le pathos. « Acteur et narrateur, c'est compliqué. Cette année a été faite de coups. Des coups de cœur, des coups de gueule, des coups reçus, des coups donnés… »
« L'histoire, toujours. Même si elle fait grincer des dents »
Lunettes rondes et voix grave, Dominique se rêvait journaliste avant d'entrer « à la Shell » comme on disait alors. Il a, en poche, un bac philo et vient de faire six mois de droit. « Puis, j'ai cédé à la facilité. La boîte payait bien », sourit-il. L'esthète du bon mot ne regrette rien. Etre ouvrier, il en est fier. Etre écrivain, c'est sa deuxième peau. « On naît écrivain et on est écrivain », déclame-t-il, avec quatre livres déjà publiés ces dernières années.
Relater l'histoire du combat pour Petroplus n'était pas prémédité. Ça s'est décidé le 16 octobre 2011 quand les galères ont explosé. Durant ces longs mois, écrire, c'est sa catharsis. « Quand j'écrivais, je me détachais. J'atteins une forme de sérénité qui me permet d'encaisser les coups. » Ses billets d'humeur diffusés par la messagerie de l'intersyndicale galvanisent les troupes. Sans le vouloir, il devient « Notre écrivain », celui des salariés en colère. « Je préfère le terme de scribe », glisse Dominique Sentis.
Au fil des pages, il évoque tout. Dans son style « personnel », avec un ton « pas emmerdant ». Il ne se censure pas, ou si peu. « Je m'en suis toujours tenu à l'histoire. Même si elle fait grincer des dents. Je ne personnalise pas. Les cons, je les laisse à ce qu'ils sont. »
L'avenir de Petroplus n'est pas encore écrit (lire par ailleurs). Pourtant, le livre de Dominique a un début ET une fin. « Il est écrit pour durer. C'est mon obsession. Je veux qu'on puisse le rouvrir dans dix ans et qu'il parle encore aux lecteurs. » Il garde l'espoir que son fils intègre un jour la raffinerie. « Je serais le plus heureux si une quatrième génération de Sentis entrait ici », lâche-t-il. Ça signifierait surtout que l'usine serait toujours Debout !

Article d'Anthony Quindroit dans Paris Normandie

« Debout ! Au cœur de la lutte des Petroplus », préface de Jean-Luc Mélenchon, aux éditions Cogito ergo sum, 432 pages, 19 €. Renseignements sur editionscogito.fr.
Sur paris-normandie.fr retrouvez les cent premières pages de « Debout ! », ici.
 

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